Les chrétiens de Gaza entre craintes et rumeurs
by Benjamin Barthe
24 Febbraio 2008
Fauteuils éventrés, étagères fracassées, livres en miettes. Ce parterre désolé est ce qui reste de la bibliothèque de la YMCA de Gaza, un centre culturel et sportif d'inspiration chrétienne, plastiqué par des hommes masqués, vendredi 15 février. L'attaque, sans motif apparent, a ravivé les angoisses de la minuscule communauté chrétienne de Gaza, déjà ébranlée par l'assassinat en octobre 2007 de Rami Ayad, le gérant de la Société de la Bible, une librairie baptiste du centre-ville.
"Les gens ont peur, dit Waël Tourouq, le beau-frère du défunt. Tous les jours, on entend parler de menaces à l'encontre des chrétiens. Il y a deux mois, une trentaine de familles ont réussi à partir pour la Cisjordanie. A la première occasion, je les imiterai. Il n'y a plus d'avenir pour nous à Gaza."
Ce sentiment de panique est nouveau dans la bande côtière palestinienne. Trop peu nombreux pour constituer un groupe à part et pas moins nationalistes que leurs frères musulmans, les 3 000 chrétiens de Gaza n'ont pendant longtemps jamais ressenti la moindre hostilité à leur égard. Pour nombre de leurs représentants, cette bonne entente est une évidence, quels que soient les drames enregistrés. "L'attentat contre la YMCA n'a rien à voir avec la religion et encore moins avec l'assassinat de Rami Ayad, tranche Issa Saba, le directeur de cet établissement. La preuve : d'autres centres du même genre, dépourvus de toute étiquette religieuse, ont également été attaqués. Et d'ailleurs, le gouvernement du Hamas m'a apporté son soutien."
Attitude de déni
Une attitude de déni, avec laquelle Hussam Tawil, député élu sur la liste du Hamas, tente de rompre en douceur. "On ne peut plus parler d'actes isolés, dit-il. Nous sommes confrontés à une série d'attaques. Manoeuvre de déstabilisation du gouvernement du Hamas ou campagne qui nous vise délibérément ? A la police de le dire."
Dans l'attente des hypothétiques résultats de l'enquête, la minorité chrétienne de Gaza se recroqueville sur ses craintes et ses rumeurs. On évoque un communiqué de l'Armée de l'islam, groupuscule à la mode djihadiste, qui appelle à "la guerre contre les croisés", ou encore la peur d'un gamin à qui un copain musulman a promis qu'il "irait en enfer".
"Les relations avec mes voisins musulmans sont toujours très bonnes, dit Anissa Ayad, la mère de Rami, dont l'histoire veut qu'il ait été kidnappé puis tué un soir, à la sortie de son bureau, parce qu'il refusait d'abjurer sa religion. Le problème vient de ces groupes extrémistes, arriérés, dont l'audience s'accroît avec la misère galopante générée par le blocus de la bande de Gaza. Qui sont-ils ? Al-Qaida ? Des salafistes ? Personne ne peut le dire."
Abou Ahmed, le concierge de l'école chrétienne Al-Manar de Gaza, les a vus. "Des types en armes, dans une jeep noire, avec de longues barbes et des pantalons bouffants à la mode pakistanaise", raconte-t-il. Faute de pouvoir voir la directrice, absente, ils l'ont passé à tabac, lui le musulman, pour le "punir de travailler avec des chrétiens".
by Benjamin Barthe
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