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La politique monétaire expansionniste de la Fed a des répercussions inattendues
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Les mesures d’assouplissement quantitatif entraînent un surplus de liquidité, qui pourrait nourrir des bulles spéculatives. Les matières premières, et en particulier le pétrole, pourraient être la première victime de ce phénomène

Le terme «quantitative easing» (QE, pour assouplissement quantitatif) est omniprésent dans les débats ces derniers temps. Il est donc indispensable de voir les conséquences dramatiques qui pourraient en découler si cette politique n’était pas utilisée à bon escient.

Le «QE2», qui vient juste d’être annoncé par la Fed, consiste à racheter 600 milliards de dollars (75 milliards de dollars par mois pendant huit mois) de titres du Trésor américain. L’abondance de liquidité va donc amener les banques commerciales à avoir plusieurs alternatives. Premièrement, laisser leurs avoirs à la banque centrale si celle-ci les rémunère. Deuxièmement, relancer la demande de crédit pour les particuliers et les entreprises. Ou encore acheter des actifs pour le compte des clients et donc contribuer à la hausse des marchés, ce qui amènera plus de richesse et donc relancera la consommation.

Or, et c’est là le problème, le système financier n’est pas en manque de liquidité comme cela a déjà été le cas par le passé. Au contraire, l’offre de liquidité est supérieure à la demande. Ce surplus pourrait se traduire par une baisse prolongée du dollar, une inflation pernicieuse et, plus grave, des bulles spéculatives.

Il est intéressant de constater qu’à travers le QE2, le gouvernement américain a fait le choix de combattre la déflation par l’inflation. Mais la nuance entre inflation et hyperinflation est très faible et, surtout, extrêmement difficile à gérer.

L’exemple de Weimar, au début des années 1920 en Allemagne, est parlant. L’inflation s’est retrouvée être un poison nommé hyperinflation, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît.

Il est aussi intéressant de constater que la Fed a pris – malgré tous les démentis – la décision de ne pas soutenir sa monnaie et ceci pour une raison, et non des moindres: relancer l’exportation tout en essayant de réduire les importations. Ce qui aura une influence directe sur l’emploi local, mais ce qui signifie aussi une forme de protectionnisme.

C omme pour l’hyperinflation, le gouvernement américain a entre ses mains plusieurs exemples historiques de dévaluations dont il peut se nourrir. En 1934, le dollar est dévalué de 40%, ce qui n’évite pas au pays une croissance relativement faible et de sombrer dans un chômage massif. En 1971, ensuite, les Etats-Unis utilisent cette arme économique en laissant le dollar se dévaluer jusqu’à fin 1979, ce qui permet de favoriser leurs exportations, en particulier agricoles. Reagan sonnera la réévaluation de la monnaie pour réduire les coûts d’importations, notamment pétroliers, et faciliter de nouveaux développements pour les grandes entreprises locales.

L’Europe et les pays émergents vont subir de plein fouet les effets de la politique américaine. Faire tourner la planche à billet au-delà des besoins intérieurs va naturellement amener les opérateurs à investir dans des pays qui offrent des taux d’intérêt supérieurs aux taux américains, c’est-à-dire d’abord dans les pays émergents. Ce qui implique que la BCE doive pratiquer son propre «QE» pour ne pas dépendre du «système» mis en place par la Fed. La crainte étant évidemment de continuer la guerre des monnaies dans laquelle la Chine aura son mot à dire…

Créer des liquidités supplémentaires peut aussi entraîner une création de bulles sur les actifs. Ces hausses explosent quand la confiance s’évanouit. Une situation qui rappelle la crise financière que nous vivons actuellement avec les bulles de crédit et immobilières.

L’extrême relâchement de la politique monétaire, auquel s’ajoutent les dépenses colossales pour stabiliser le système financier, est en train de créer une bulle d’actifs. Le risque existe de voir une ruée sur des actifs comme les obligations – en particulier des pays émergents –, l’immobilier, les matières premières, les produits agricoles de base, l’or, les monnaies, les instruments financiers et les actions. Parmi ces derniers, les matières premières devraient être la première cible de ce phénomène, notamment le pétrole.

L’augmentation du prix du baril est due à quatre facteurs très spécifiques tout à fait en rapport avec la situation que nous vivons actuellement. Le premier se trouve dans la dévaluation du dollar. Le président de l’OPEP n’a-t-il pas déclaré qu’il estimait que «le prix du baril est désormais indexé à la hausse ou à la baisse du dollar»? Une baisse de 1% du dollar (par rapport à l’euro) provoquerait une hausse de 4 dollars par baril. Actuellement, le billet vert est au plus bas et le baril oscille autour de 89 dollars. Le deuxième facteur se situe dans les problèmes géopolitiques. Il y a dans un certain nombre de pays producteurs des tensions permanentes qui peuvent refaire surface à tout moment (Nigeria, Irak, Iran…).

Que pourrions-nous donc dire sur le pic de production dont les estimations oscillent entre 2015 et 2030? Faute de nouveaux gisements exploitables à des coûts raisonnables, le prix du baril devrait donc continuer à monter. N’oublions pas que la demande mondiale va continuer à augmenter dans les années qui viennent, principalement sous l’effet de la croissance des émergents. Enfin, nous n’oublions pas de mettre en avant la spéculation comme étant le facteur le plus pernicieux et directement lié à un surplus de liquidité mal employé. Mais cet élément clé est difficilement quantifiable

L’escalade de liquidité à laquelle nous pourrions assister, du côté des Etats-Unis et de l’Europe si la BCE décidait de suivre le mouvement, pourrait ainsi avoir des répercussions fortes sur les marchés actions et sur les matières premières en 2011. Il faudra donc suivre de très près les prochains indicateurs macroéconomiques et surtout ne pas oublier que la Chine pourrait en tout temps intervenir et changer la donne.

John Plassard


Source >  Le Temps

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