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Géopolitique du conflit caucasien
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«La proclamation unilatérale, en février dernier, de l’indépendance du Kosovo vis-à-vis de la Serbie a été le principal facteur qui a déterminé l’évolution des événements». Fedor Loukianov, directeur de la revue La Russie dans la Politique Globale, livre son analyse du conflit.

L’Ossétie du Sud se trouve de nouveau au bord de la guerre, l’Abkhazie ne disparaît plus des bulletins d’informations depuis quelques mois déjà, et les rapports russo-géorgiens restent explosifs.

Pourquoi la situation autour de la Géorgie, plus précisément autour des deux conflits non réglés sur son territoire, s’est-elle autant détériorée cette année ? Bien entendu, l’absence elle-même de statut définitif rend la situation explosive, et la coïncidence de quelques circonstances peu importantes suffit parfois pour "réchauffer" un conflit "gelé". Cependant, cette fois, il s’agit de changements de principe, qui sont le résultat de processus fondamentaux.

La proclamation unilatérale, en février dernier, de l’indépendance du Kosovo vis-à-vis de la Serbie a été le principal facteur qui a déterminé l’évolution des événements. On pourrait disserter indéfiniment sur la question de savoir si cela constitue ou non un précédent juridique, mais la politique réelle va son train. Moscou et de nombreuses autres capitales du monde y ont vu un nouveau pas dangereux vers la dégradation du droit international et le triomphe de l’approche arbitraire du règlement des problèmes mondiaux.

La Russie a choisi une ligne considérée au Kremlin comme une sorte de compromis. Ce qui s’est produit dans les Balkans ne pouvait pas laisser Moscou indifférent. Mais, pour ne pas attiser les passions, la Russie n’a pas reconnu Soukhoumi et Tskhinvali (même si, après le Kosovo, les dirigeants russes considéraient qu’ils avaient le droit d’agir de façon analogue à l’égard de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud). La Russie est toujours prête à reconnaître l’intégrité territoriale formelle de la Géorgie en vue de ne pas embrouiller une situation déjà complexe. Mais, en même temps, elle entretient des rapports à part entière avec les deux anciennes autonomies. Cette approche s’est manifestée avec le retrait de la Russie du régime des sanctions contre l’Abkhazie, et le décret sur l’octroi d’une "aide concrète" aux habitants de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, signé en avril par le président russe.

Tbilissi comprend qu’après la proclamation de l’indépendance du Kosovo les perspectives de rétablissement de l’intégrité territoriale du pays sont devenues encore plus floues. Si l’on accepte le statut quo consécutif aux actions de la Russie, dans un an ou deux, évoquer même la possibilité théorique d’une réintégration sera totalement insensé. L’Abkhazie sera un élément de l’immense complexe économique des Jeux olympiques de Sotchi. L’Ossétie du Sud, quant à elle, est déjà de fait une région subventionnée par la Fédération de Russie.

Pour casser cette tendance, Tbilissi doit agir énergiquement, ce qui suppose des initiatives diplomatiques, une pression militaire, ainsi que d’attirer l’attention des alliés en Occident, y compris par le biais du maintien et de l’attisement de la tension. Les dirigeants géorgiens considèrent également le rapprochement avec l’OTAN et leur future adhésion à cette organisation comme un instrument permettant de garantir l’intégrité territoriale du pays. Cette position de Tbilissi est d’ailleurs partagée par Washington. Suivant cette logique, la faiblesse manifestée par l’Alliance en avril, où il s’est avéré impossible d’approuver l’octroi du Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN à la Géorgie et l’Ukraine, a incité la Russie à lancer des actions plus fortes en direction d’une "annexion" des territoires contestés. Par conséquent, si on laissait clairement entendre à Moscou que la décision sera prise, cela contribuerait probablement à la stabilisation.

Le point de vue de la Russie est diamétralement opposé : plus on se rapproche d’un changement du statut de la Géorgie dans ses contacts avec l’OTAN, et plus la probabilité d’actions décisives de Moscou visant à reconnaître les territoires que Tbilissi ne contrôle pas se fait grande. Parce que n’importe quels engagements formels pris par l’Alliance de l’Atlantique Nord peuvent être interprétés par la Géorgie comme la possibilité d’un règlement par la force de ces conflits.

La position des Etats-Unis joue ces derniers mois un rôle particulier, pour l’essentiel, déstabilisateur. A six mois de l’expiration de son mandat présidentiel, George W. Bush a besoin de quelques succès internationaux, afin d’éviter que son héritage dans l’arène mondiale ne soit constitué d’une série d’échecs. L’approbation du Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN (MAP) pour l’Ukraine et la Géorgie (ou ne serait-ce que pour l’une ou l’autre) lors de la rencontre ministérielle de l’Alliance en décembre prochain devient presque la dernière chance d’obtenir un acquis réel. D’où la pression croissante exercée sur les alliés européens, qui doutent de l’opportunité de ces décisions, et le soutien apporté à la Géorgie qui se fait de plus en plus évident. En témoigne, entre autres, la récente visite effectuée par la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice à Tbilissi. Naturellement, la Géorgie considère cette position très nette de Washington comme un fondement pour des actions plus énergiques.

Il faut s’attendre à un pic de tension à la fin de l’automne. En décembre, l’administration Bush fera une dernière tentative pour obtenir une décision positive sur le MAP. En prévision de cet événement, l’activité politique va considérablement s’accroître, de même que, comme l’expérience le montre, le risque de conflits armés dans la région.

Fedor Loukianov est rédacteur en chef de la revue Rossiïa v globalnoï politike (La Russie dans la politique globale).

par Fedor Loukianov

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