Cohn-Bendit : "Les Suisses doivent revoter"
Le Monde
04 Dicembre 2009
La voce del padrone. Cohn-Bendit ordina: “Gli svizzeri devono rivotare”. La stessa “Europa” che impone all’Italia di togliere i crocifissi dalle aule, vuole che la Svizzera si riempia di minareti.
Le Temps : Partie de Suisse,
la question de l'interdiction des minarets déferle maintenant sur le
reste de l'Europe. Est-il normal de se la poser après le vote
helvétique ?
Daniel Cohn-Bendit :
Cette question des minarets est un piège. Un piège parfait. Quoi qu'ils
disent, les promoteurs de l'initiative visant à interdire la
construction de nouveaux minarets s'en prennent à un symbole de l'islam
et des musulmans. Or cet amalgame est non seulement insupportable, mais
inacceptable: la démocratie directe ne doit pas être le prétexte pour
s'en prendre à une communauté et la blesser. La limite démocratique est
à mes yeux franchie. Je suis pour une démocratie directe "encadrée"
par une Constitution qui ne permette pas de voter sur n'importe quoi.
Une votation comme celle des minarets, qui cible une communauté en
particulier, restera une tache noire sur la réputation de la
Confédération. Pour l'effacer, les Suisses n'ont qu'une solution: se
mobiliser et revoter.
Mais le peuple Suisse s'est exprimé…
Daniel Cohn-Bendit : Et alors ? Les Suisses ont
voté comme le feraient sans doute une bonne partie des Européens : avec
l'angoisse vis-à-vis de l'islam rivée au corps, avec en tête les images
des attentats-suicides au Pakistan et en Afghanistan. Il y a en plus
eu, en Suisse, l'affaire du fils Kadhafi. C'est toute la difficulté de
l'islam, dont la réalité est aujourd'hui défigurée par des petits
groupes extrémistes ultra-violents. Mais cela n'excuse rien car,
pardonnez-moi, la Suisse nous a dans l'histoire habitués à ce genre
d'attitude. Je pense évidemment à la Seconde Guerre
mondiale. La Suisse n'a alors eu aucun problème à sacrifier ceux qui
butaient contre ses frontières et demandaient l'asile. Le problème
helvétique, c'est cet égoïsme des riches que l'on retrouve aussi en
Italie du Nord. On a vu combien de temps il a fallu à vos concitoyens
pour que leur pays devienne membre de l'ONU ! Cet égoïsme s'est traduit
dans la votation de dimanche: on veut bien que des musulmans vivent et
travaillent en Suisse. Mais à condition qu'ils se taisent et repartent
un jour.
Quelle riposte adopter alors ?
Daniel Cohn-Bendit : La plus formidable des
ripostes – mais je rêve – serait que les plus riches des pays musulmans
retirent leur argent des banques suisses. Vider les caisses de la
Confédération: voilà ce qu'il faudrait ! Que l'Arabie saoudite ou les
Emirats arabes unis désertent votre place financière. Voilà ce qui
marcherait. On l'a bien vu avec les pressions exercées par le fisc
américain dans l'affaire UBS. Si cette votation a des conséquences
économiques, alors les Suisses comprendront.
Et la classe politique helvétique ? Et le gouvernement ?
Daniel Cohn-Bendit : La priorité de l'élite
politique suisse hostile à ce vote doit être de remobiliser la
population en vue d'un nouveau référendum. Ce sera dur, et alors?
Capituler devant cette angoisse populaire serait une défaite pour tous
les démocrates. Le moment est venu d'un grand débat en Suisse sur le
sujet de l'immigration. La Suisse ne doit pas se laisser ligoter par
cette décision populaire jusqu'à la fin des temps.
Comment doit réagir l'UE ? Que pensez-vous de l'intention
des Verts suisses de déposer un recours auprès de la Cour européenne
des droits de l'homme à Strasbourg ?
Daniel Cohn-Bendit : Cette interdiction des
minarets, indigne à mes yeux, ne peut pas être ignorée par l'Union. Il
faudra poser la question. On ne peut pas continuer les relations
bilatérales comme si de rien n'était. Le Parlement européen, doté de
nouvelles compétences par le Traité de Lisbonne,
devrait d'ailleurs très vite interroger à ce sujet la nouvelle haut
représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, lors de son échange
de vues prévu mercredi avec les eurodéputés. Si elle défend, comme elle
le doit, la liberté de religion en Europe, Catherine Ashton doit prendre position contre cette interdiction des minarets en Suisse.
Article publié mercredi 2 décembre dans LeTemps.ch
Propos recueillis par Richard Werly
Source > Le Monde | 2 dec