BRUXELLES, correspondant - Le Néerlandais Frits Bolkestein est au cœur d'une vive polémique dans son pays pour avoir incité les "juifs conscients" à quitter les Pays-Bas où, selon lui, ils risquent d'être victimes d'un antisémitisme qui serait en expansion parmi les jeunes d'origine marocaine. "Les juifs conscients doivent réaliser qu'il n'y a plus d'avenir aux Pays-Bas", a affirmé l'ex-commissaire européen. M. Bolkestein leur conseille dès lors d'inciter leurs enfants à émigrer vers les Etats-Unis ou Israël.
Ancien dirigeant du parti libéral – actuellement au pouvoir – M. Bolkestein a tenu ces propos dans un livre consacré au judaïsme aux Pays-Bas. Il s'y dit "pessimiste" et convaincu que la persistance du conflit israélo-palestinien va continuer d'alimenter l'antisémitisme. Dans une interview parue lundi 6 décembre dans le journal De Pers, il a expliqué que par "juifs conscients", il visait les juifs "reconnaissables", à savoir notamment les orthodoxes. M. Bolkestein a ensuite affirmé que le quotidien avait tronqué ses propos, ce que De Pers conteste.
Les propos de cet homme qui reste écouté dans son pays ont suscité une polémique telle qu'ils seront évoqués, mardi, au Parlement de La Haye. Tous les partis ont contesté l'analyse de M. Bolkestein. La plupart ont appelé à la "fermeté" face à la montée de l'antisémitisme dans leur pays. "Bolkestein se trompe complètement : ce ne sont pas les juifs mais les Marocains coupables d'antisémitisme qui doivent quitter le pays", a affirmé Geert Wilders, leader de l'extrême droite populiste, qui fut proche de M. Bolkestein au sein du parti libéral.
Le dirigeant du Centre d'information et de documentation sur Israël, Ronny Naftaniel, a estimé qu'il est "trop facile" de critiquer M. Bolkestein et que la société néerlandaise doit prendre plus clairement position "contre l'antisémitisme et d'autres formes d'intolérance".
M. Bolkestein a lancé dans son pays, au début des années 1990, le débat sur l'intégration et le multiculturalisme, dont il a souligné l'échec. Il est connu en France pour avoir été le promoteur, en 2005, de la directive européenne sur la libéralisation de services, qui fit craindre à certains l'arrivée massive de nombreux travailleurs issus des pays de l'est européen. Un thème qui a probablement influencé le référendum sur le projet de Constitution européenne, rejeté tant en France qu'aux Pays-Bas à l'époque.
Jean-Pierre Stroobants
Source > Le Monde